Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/96

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La marquise s’orienta, et après quelques secondes d’hésitation, malgré les ténèbres épaisses dont elle était entourée, elle se lança à travers les buissons. Bientôt elle atteignit l’endroit où le cheval devait l’attendre. Il était là, attaché à un arbre, les naseaux et la bouche comprimés avec un mouchoir, de façon à ce que, sans que sa respiration fut trop gênée, il lui fût impossible de hennir.

La jeune femme détacha le cheval et l’amena sur la route. C’était une bête magnifique et vigoureuse. Les harnais étaient riches. La marquise fouilla sous la selle, prit le portefeuille et le serra dans sa poche. Le cheval avait des fontes garnies de pistolets. Le docteur avait pensé à tout.

La marquise fut émue de tant de sollicitude, de la part de cet homme qu’elle ne connaissait que depuis quelques heures, mais qui s’était révélé à elle en lui sauvant la vie, et lui témoignant un dévouement à toute épreuve, sans même s’informer si elle avait mérité la haine de son bourreau, ou si elle était véritablement innocente, comme elle le prétendait.

— Mon Dieu, murmura-t-elle, tous les hommes ne sont donc pas des lâches et des misérables ?

Elle attacha solidement sa valise derrière la selle, réunit les rênes, et d’un bond léger et élégant à la fois, qui dénotait une connaissance approfondie de l’équitation, elle se mit en selle. Le froid était vif et piquant ; la jeune femme s’enveloppa avec soin dans les plis de son manteau, lâcha la bride, et, sans autre excitation, le vaillant animal qu’elle montait partit d’un trot allongé à faire quatre lieues à l’heure.

La marquise contourna la ville, ainsi que le docteur le lui avait recommandé, et rejoignit la route de Bayonne à un quart de lieue à peu près.

Dès qu’il eut atteint la grande route, le cheval fila avec une rapidité nouvelle, secouant la tête, grondant, et faisant voler autour de lui des flots d’écume ; il avait le trot d’une douceur extrême ; il semblait se balancer en cadence sur ses sabots, qui frappaient régulièrement le sol,