Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/120

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— C’est cela même ; allons ! ajouta-t-il gaiement, je vois que vous vous rappelez encore notre ancien métier.

— Oh ! cela ne s’oublie pas, Mayor.

— C’est vrai, c’est vrai, mon ami. Ah ça ! vous m’avez dit comment vous étiez entré dans l’hacienda, dites-moi donc maintenant comment vous en êtes sorti.

— Oh ! c’est toute une histoire, Mayor.

— Dites-la moi, compagnon, cela finira sans doute de me mettre de bonne humeur.

— Je ne le crois pas. Voici la chose en deux mots : je me suis, vous ai-je dit, introduit dans l’hacienda déguisé en vaquero.

— En effet, vous me l’avez dit.

— C’était vers quatre heures du matin ; le temps était sombre, il tombait une pluie fine, glacée et pénétrante ; je rodais depuis près de trois heures au pied des murailles du parc, cherchant un endroit facile à escalader ; je m’arrêtai définitivement à l’endroit marqué en rouge sur le plan : c’était une inspiration, ou plutôt un pressentiment, car ce fut en escaladant cette partie de la muraille que je m’aperçus qu’elle était minée par les eaux, et qu’elle ne tenait debout que par artifice.

— C’est admirable ! dit le Mayor en avalant d’un trait un verre de rhum.

— Je crus entendre un léger bruit derrière moi, et supposant qu’une ronde quelconque rodait au dehors, je sautai de la crête ou mur dans le parc, où, sans me faire mal, je tombai sur des feuilles sans produire le moindre bruit. Mon premier soin fut de me jeter sous le couvert et de me blottir au milieu d’un fourré presque impénétrable. Bien m’en prit, car presqu’aussitôt j’entendis un bruit de pas, et bientôt j’aperçus deux hommes qui s’approchaient du mur. Ces deux hommes, que quelques instants plus tard je reconnus, étaient le Cœur-Sombre et le mayordome de l’hacienda.

— Diable ! c’était jouer de malheur !

— Dans le premier moment, je crus qu’ils m’avaient aperçu et que c’était à moi qu’ils en voulaient : je retirai