Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/145

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vous vous présentiez devant les chasseurs et trappeurs blancs et sang-mêlés, réunis au voladero de la Palma pour vous disculper, en fournissant des preuves évidentes de votre innocence.

La Main-Ferme se pencha alors vers le Mayor et lui remit un papier plie en quatre, que celui-ci prit, machinalement et froissa avec une rage froide entre ses doigts crispés.

— Est-ce tout, señor ? dit-il d’une voix étranglée par la colère et les efforts qu’il faisait pour rester calme.

— C’est tout, oui, señor, répondit le coureur des bois avec un salut glacial.

— Voici un jugement plus facile à prononcer qu’à exécuter, señor, dit le Mayor d’une voix railleuse ; vous conviendrez que c’est de votre part une étrange audace d’oser vous introduire en compagnie si peu nombreuse dans mon camp pour me signifier cet insolent jugement.

— Je crois que vous vous trompez, señor, répondit paisiblement la Main-Ferme ; nous ne sommes que cinquante ici, mais chacun de nous dispose de douze à quatorze coups de feu ; et vous connaissez notre adresse, ce qui égalise singulièrement les chances ; de plus, deux cents chasseurs et cinq cents guerriers Comanches sont prèts à vous assaillir au premier signal que nous donnerons ; vous voyez donc, señor, que nous n’avons montré aucune audace, et que la démarche que nous avons faite n’avait rien de dangereux pour nous.

— Soit, señor : je l’admets d’autant plus que, quoi que vous en disiez, je respecte trop la coutume du désert pour ne pas traiter avec courtoisie même mon ennemi le plus implacable, quand il a franchi le seuil de ma hutte, et mon camp est ma demeure ; d’ailleurs, ni vous, señor, ni vos amis, vous n’êtes mes ennemis, du moins je crois ne vous avoir jamais offensés ni par mes actes, ni par mes paroles ; vous êtes donc à plus forte raison en sûreté dans mon camp pendant tout le temps qu’il vous plaira d’y demeurer.