Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/150

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Bien qu’ils n’eussent pas osé se rapprocher assez pour entendre l’entretien du Mayor avec ses visiteurs, l’obstination de ceux-ci de ne pas mettre pied à terre, d’une part, de l’autre, la contenance froide et presque hostile des chasseurs restés massés et le fusil sur la cuisse à l’entrée du camp, avaient fort intrigué et inquiété les bandits.

À défaut de la parole, les gestes des interlocuteurs, gestes énergiques et faciles à traduire pour des hommes rompus aux coutumes et aux habitudes des errants du désert, avaient suffi pour leur faire deviner presque entièrement les péripéties de cette scène et toute sa gravité.

Une certaine inquiétude régnait donc dans le camp.

Les aventuriers se communiquaient avec force commentaires leurs impressions les uns aux autres.

Ces commentaires, nullement favorables au Mayor, augmentaient encore l’inquiétude générale.

Quelques-uns parlaient déjà d’abandonner le Mayor, et de se retirer au plus vite sur le Haut-Missouri, et même dans l’Oregon, pour échapper à la vengeance des coureurs des bois et des Peaux-Rouges, leurs alliés, toujours mal disposés pour eux, et dont ils redoutaient extraordinairement l’indomptable courage et l’adresse fatale avec laquelle ils se servaient de leurs armes.

Dans l’état où se trouvaient les esprits, une désorganisation, et mémé une débandade complète de la troupe étaient à redouter, si le Mayor laissait se propager les ferments de révolte qui commençaient à exalter toutes les têtes.

Mais le terrible Vautour-Fauve des savanes, ainsi que le nommaient très justement les Peaux-Rouges, dans leur langage si pittoresquement imagé, avait une trop grande expérience, et savait trop bien à quels hommes il avait affaire pour ne pas couper brusquement le mal dans sa racine.

Sa contenance ferme et rassurée, son visage placide et presque joyeux commencèrent à donner le change aux aventuriers.