Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/18

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et plusieurs soldats ; ils conduisaient au milieu d’eux un homme jeune encore, aux traits assez beaux et à la physionomie intelligente, portant avec une certaine désinvolture le costume pittoresque des rancheros.

Il est vrai que ce costume déchiré et souillé de boue et de poussière en maints endroits ressemblait fort à une guenille.

Cet homme avait sans doute été désarmé par Moucharaby ; car celui-ci avait les mains chargées d’un fusil, de deux longs revolvers, d’un couteau et d’un machette, qu’il agitait d’un air triomphant.

— Qui est cet homme et comment se trouve-t-il ici ? demanda don Cristoval à ño Ignacio.

Celui-ci se préparait à répondre, mais Julian l’arrêta d’un geste, et s’adressant à l’haciendero :

— Señor, lui dit-il, permettez-moi de commencer dès à présent le rôle que vous m’avez donné et que j’ai accepté.

— Soit, señor, répondit courtoisement don Cristoval ; agissez comme vous le jugerez convenable ; je m’inclinerai toujours le premier devant les ordres que vous donnerez et les mesures qu’il vous conviendra de prendre.

Le chasseur s’inclina en signe de remercîment, et s’adressant aux soldats :

— Mes amis, leur dit-il, retirez-vous et retournez à votre poste ; nous sommes assez nombreux pour empêcher cet homme de s’échapper, si la pensée lui en venait. Quant à vous, Moucharsby, demeurez.

Les soldats firent demi-tour et se retirèrent avec cette obéissance passive que donne la discipline.

Chacun avait repris place sur les fauteuils et les divans.

Sur l’invitation de Julian, Moucharaby se débarrasse des armes qu’il tenait et s’assit près du mayordomo.

Il y eut un court silence.

Julian réfléchissait les yeux fixés sur le prisonnier.

Celui-ci, debout au milieu du salon, tordait une fine cigarette entre ses doigts, de l’air le plus indifférent.

— Veuillez me dire, señor don Ramon, ou si vous preférez que je vous donne votre nom de guerre, señor Na-