Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/192

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de la salle de bal sur l’aile humide de la brise nocturne.

Mais si l’on avait pu sonder l’épaisseur des ténèbres, on aurait aperçu derrière chaque levée de terre, chaque arbre, chaque buisson, un homme embusqué, les traits contractés, le regard flamboyant, immobile comme une statue de bronze, l’oreille au guet, le fusil à la main, le doigt sur la détente.

En passant à travers les halliers, de ce pas rapide et muet des coureurs des bois, Julian, sans s’arrêter, prononçait quelques paroles à voix basse, auxquelles les invisibles sentinelles répondaient par un seul mot, bien plutôt murmuré que prononcé.

Les deux chasseurs, continuant leur route mystérieuse, atteignirent bientôt la partie la plus épaisse et la plus sauvage du parc.

Là, les sentinelles étaient plus rapprochées les unes des autres, et des masses sombres d’hommes armés et massés dans les halliers se laissaient deviner par les regards accoutumés à percer les ténèbres.

Quand ils eurent atteint ce point du parc, Julian et son ami s’arrêtèrent au milieu d’un buisson.

Une faible lueur commençait peu à peu à filtrer à travers les feuilles des arbres : lueur pâle, froide, d’un blanc bleuâtre et qui imprimait aux accidents du paysage sortant de la masse d’ombre, une apparence presque fantastique.

La lune, à son dernier quartier, commençait à émerger de la ligne d’horizon, et montait lentement dans le ciel, mélancolique, et parfois noyant dans les nuages son disque réduit au tiers de sa grandeur.

Le premier coup de onze heures tinta lugubrement à la grande horloge placée à la façade de l’hacienda.

Les tintements de l’heure, répercutés par les échos, allèrent mourir au loin dans les mornes perdus des montagnes.

Au même instant, le cri de l’épervier d’eau, poussé par Julian, se fit entendre à trois reprises sous le couvert.