Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/222

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parer de Doña Luisa, qu’elles avaient prise en vive affection.

Elles avaient reçu une si charmante hospitalité dans cette excellente famille, que la pensée de la quitter leur causait un véritable déchirement de cœur.

Julian et Bernardo, étaient, eux aussi, émus et chagrins.

Ils avaient une profonde amitié pour don Cristoval, qu’ils n’espéraient plus revoir ; et puis, au fond de leur cœur, ce n’était pas sans une amère tristesse que leurs regards erraient sur ces majestueuses prairies et ces mystérieuses contrées qu’ils avaient parcourues pendant de si longues années ; où ils avaient tant souffert, et aussi eu tant de jours heureux ; où ils avaient vécu libres enfin ! sans entraves d’aucune sorte !

La pensée de rentrer dans la vie civilisée les effrayait malgré eux.

Ils redoutaient les exigences de cette existence étriquée, méthodique et monotone, à laquelle ils allaient être condamnés à se soumettre.

Mais ces regrets venaient trop tard, comme toujours.

Le sort en était jeté !

D’ailleurs, Denizà n’aurait pu s’accoutumer aux émouvantes péripéties de cette vie de luttes et de combats.

Son existence, malgré l’amour de son mari, n’aurait été qu’un long supplice.

Il fallait se résigner et dire un éternel adieu aux savanes et aux forêts vierges.

Les deux hommes le comprirent ; et sans hésitation comme sans faiblesse, ils prirent leur parti.

À tout prix il fallait que Denizà fût heureuse.

Les adieux furent longs et pénibles : on se quittait, on revenait et l’on ne pouvait se décider…

Enfin Julian saisit la bride de son cheval et embrassant don Cristoval, lui dit avec émotion :

— Allons ! soyons hommes : adieu, mon excellent ami,