Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/264

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Cet homme devait être jeune encore, et pourtant il paraissait plus de cinquante ans, car, sur son visage imberbe, ou plutôt glabre, le vice avait depuis longtemps appliqué sa griffe ineffaçable.

Il avait les traits émaciés, le teint jaune, les yeux clignotants et le regard sournois des pires rôdeurs de barrières.

Il était vêtu à peu près comme les ouvriers des ports, d’un pantalon de toile bise, constellé de taches et effiloqué du bas, d’un bourgeron bleu déchiré par-dessus une chemise de fine batiste taillée à la dernière mode, mais noire de crasse ; il était coiffé d’une casquette en soie noire, usée, graisseuse, dont la visière tombante cachait presque ses yeux, et dont la calotte était rejetée en arrière ; enfin, il avait ses cheveux gras et plats ramenés en facettes et collés en accroche-cœurs sur les tempes.

Cet homme s’en allait le long du trottoir d’une allure déhanchée, une pipe à tuyau microscopique rivée au coin gauche de la bouche, et les mains dans les poches de son pantalon.

Il s’arrêta devant le numéro 28 de la rue des Gravilliers, et après avoir promené autour de lui, d’un air nonchalant, ce regard fureteur de l’homme dont la conscience n’est pas tranquille, il pénétra dans la cour de Rome.

La cour de Rome a survécu aux démolitions pour sa plus grande partie.

C’est véritablement une ville dans la ville.

Dès qu’on y met le pied, on se retrouve en plein moyen âge, avec les vieilles coutumes et les traditions du vieux Paris, son architecture primitive et presque son langage des anciens jours.

C’est là, en un mot, que le présent et le passé se rencontrent face à face sans transition.

En voyant ce débris de l’ancienne cité, on se félicite des progrès accomplis, et l’on remercie les démolisseurs officiels.

La cour de Rome a trois entrées principales : la pre-