Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/268

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tués placés sous le coup d’un mandat d’amener ; quitte à les livrer plus tard s’ils craignent sérieusement d’être compromis.

En réalité, ces refuges de l’écume et de la lie de la population parisienne, sont plutôt un embarras qu’un avantage pour la police.

La routine seule, cette loi suprême de nos administrations, les fait se perpétuer, au grand détriment des gens honnêtes.

Pour un malfaiteur arrêté, cent échappent, ou avant d’être pris, ont eu le temps de commettre de nombreux délits ou même des crimes.

Trop souvent même, quelques-uns réussissent à ne jamais être arrêtés.

L’homme dont nous avons parlé plus haut marchait nonchalamment ; il avait remis sa pipe dans la poche de son bourgeron ; il sifflait l’air alors en vogue de la Vénus aux carottes, regardant d’un œil sournois à droite et à gauche, prêt à rebrousser chemin s’il apercevait quelque figure suspecte.

Parfois il interrompait sa mélodie pour adresser aux femmes qu’il croisait quelques plaisanteries de haut goût qui les faisaient rire ; mais malgré ses allures insouciantes, il était facile, aux froncements de ses sourcils et aux tressaillements nerveux des muscles de sa face, de reconnaître qu’il était en proie à une vive préoccupation.

Arrivé devant la boutique, il passa deux ou trois fois devant elle sans s’arrêter ; il inspecta d’un regard l’ombre qui allait s’épaississant.

Mais, rassuré sans doute par la solitude complète qui régnait aux environs, il fit jouer brusquement le loquet de la porte, entra ou plutôt se précipita, et referma la porte derrière lui, avec un soupir de soulagement.

La boutique était grande, garnie de tables, dont quelques-unes étaient occupées par des individus à mines patibulaires, sordidement vêtus, dévorant isolement et dans le plus profond silence, de copieuses portions