Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/267

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Ces rideaux donnaient à la boutique l’apparence d’un débit de vins.

Les habitants de la cour de Rome prétendaient qu’on y vendait toutes espèces de choses, et surtout de celles prohibées par les règlements de police.

Peut-être avaient-ils raison ; car la plupart des individus qui entraient ou sortaient de ce singulier établissement, quoi qu’ils fissent pour ne pas attirer l’attention, avaient des allures et des physionomies patibulaires fort peu rassurantes, même pour la population, cependant fort peu difficile, de ce clos excentrique.

Généralement, pendant la journée, très peu de consommateurs ouvraient la porte de cette boutique, deux ou trois tout au plus.

Mais, dès que la nuit tombait sur la ville, que l’obscurité commençait à s’épaissir, les chalands affluaient de toutes parts ; tandis que, du corridor sombre s’échappaient, comme une volée d’oiseaux de nuit, des femmes à mises provocantes et à la mine plus qu’effrontée, qui se hâtaient de quitter la cour de Rome et de se disperser dans toutes les directions.

Cette maison, occupée du haut jusques en bas par le propriétaire de la boutique, était un de ces établissements de bas étage auxquels, dans leur langage imagé, les membres de l’armée roulante, ainsi qu’ils s’intitulent eux-mêmes, ont donné le nom caractéristique de tapis franc, dans lesquels la police vient pêcher à coup sûr, et qu’elle laisse ouverts tout exprès pour y retrouver, quand besoin est, certains individus qu’elle a intérêt à ne perdre jamais entièrement de vue, et que la fatalité contraint à y chercher un refuge plus que précaire.

Les maîtres de ces établissements sont d’anciens libérés des maisons centrales pour la plupart ; comme tels, fort peu scrupuleux, alliés malgré eux des employés de la Préfecture de police, mais ne se gênant pas, chaque fois que l’occasion s’en présente et qu’ils se croient assurés de l’impunité, pour donner aux agents de faux renseignements et faire évader, s’il est possible, ceux de leurs habi-