Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/272

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— À la vôtre !

Ils burent rubis sur l’ongle.

— C’est drôle, reprit l’homme aux moustaches, il me semble vous avoir vu quelque part ?

— Ou ailleurs ? C’est bien possible, répondit imperturbablement, mais avec une pointe d’ironie, le débardeur : j’y vais quelquefois.

Les deux hommes s’examinèrent pendant un instant avec une expression singulière, puis ils se mirent à rire.

— C’est bon ! reprit l’homme à l’eau-de-vie, en frisant sa moustache ; vous êtes mariole, n’en parlons plus ; j’ai eu tort, voilà tout.

En ce moment, la servante apporta la gibelotte, la salade et la bouteille de vin cacheté.

Elle plaça le tout sur la table en un tour de main.

— C’est trois francs vingt-cinq, dit-elle en allongeant sa large patte crasseuse.

— Voilà quatre francs, répondit le débardeur en lui remettant deux pièces de deux francs ; il y a soixante-quinze centimes pour vous ; mais vous avez oublié le fromage et la moutarde.

— Tout de suite ! s’écria-t-elle, rouge de plaisir de recevoir un si beau pourboire.

— Cristi ! quelle épate ! s’écria un des mangeurs. Ce mâtin-là est pour sûr un banquier qui s’a tiré les pieds après avoir rincé sa caisse.

— Le cœur vous en dit-il ? demanda le débardeur à l’homme aux moustaches, en l’invitant du geste.

— Merci, répondit l’autre en ricanant ; j’prends jamais rien entre mes repas.

Le débardeur éclata de rire.

— Allons, fais pas l’malin, Polyte, reprit-il ; asseois-toi là.

— Tu sais mon nom ? s’écria l’autre au comble de la surprise.

— Et ton surnom aussi, Fil-en-Quatre.

Polyte se leva et s’assit en face de son singulier amphytrion.