Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/299

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— Oh ! vous vous reconnaîtrez facilement, vous êtes à Passy, rue de la Pompe.

— Si loin ? c’est incroyable ! merci et bonsoir, cher monsieur.

Il sortit et fit quelques pas.

— À demain, monsieur de Montréal ! lui cria tout à coup M. Romieux avec un rire grinçant comme une scie.

Le Loupeur tressaillit à cette singulière interpellation ; mais, se remettant aussitôt, il se retourna, et saluant de la main, il cria à tue-tête :

— À neuf heures précises, monsieur Felitz Oyandi ! Je serai exact.

Il entendit un cri de rage et le bruit d’une porte violemment fermée.

— Bigre ! il paraît que j’ai rudement sanglé le pauvre homme ! dit-il ; tant pis pour lui ; pourquoi m’a-t-il ainsi jeté ce nom à la tête ? Il est vrai qu’il ne connaît pas le véritable, sans cela il m’en aurait salué. Allons, il n’est pas fort.

Et il s’éloigna en riant.

Il était tard ; un instant après avoir quitté la maison, il entendit sonner minuit.

Cette heure avancée n’effrayait pas le Loupeur.

Il était depuis longtemps habitué à faire de la nuit le jour, et à rôder à travers la ville endormie, en quête de quelque bonne aubaine problématique ; et, depuis longtemps, la peur lui était inconnue.

Mais, cette nuit-là, il avait plusieurs raisons fort graves pour être prudent.

D’abord, il avait cent mille francs sur lui, ce qui, en toutes circonstances, est un fort joli denier.

Ensuite, il n’avait pas d’armes, et il demeurait rue du Terrier-aux-Lapins, tout en haut de la chaussée du Maine.

Il lui fallait traverser le Champ-de-Mars dans toute sa longueur, puis prendre les anciens boulevards extérieurs, quartier assez isolé pendant le jour, et complètement désert pendant la nuit.