Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/362

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— Non, vous reviendrez ici tout droit ; marchez vite, je suis en retard.

— Monsieur verra Fleur-de-lys, quoiqu’il ne paye pas de mine.

À cinq heures dix minutes, Julian entra dans le café de la Rotonde, en ce moment rempli de consommateurs.

C’était l’heure de l’absinthe.

Julian jeta un regard indifférent autour de lui, et alla s’asseoir à une table, où ne se trouvait qu’une seule personne ayant un grog américain devant elle, et semblant complètement absorbée par la lecture du Times.

— Que désire monsieur ? demanda le garçon.

— Un vermouth et le Galignani’s Messenger, répondit Julian à voix haute.

Le lecteur du Times leva légèrement la tête et jeta à la dérobée un regard d’une expression singulière sur Julian.

Le garçon revint presque aussitôt, apportant le vermouth et le journal.

Julian choisit un cigare dans un délicieux étui en paille de Panama, et, se penchant vers le lecteur du Times, près duquel se trouvaient les allumettes :

— Vous permettez, monsieur, dit-il en anglais.

— Comment donc, monsieur, répondit l’autre dans la même langue ; faites, je vous prie.

Et se rapprochant, en même temps que de son côté Julian en faisait autant, il lui présenta les allumettes.

— Mille grâces, monsieur, répondit Julian.

Les deux hommes se trouvaient alors placés en face l’un de l’autre.

Cependant, contrairement à ce qu’on aurait été en droit de supposer, tout se borna à cet échange rapide de compliments, puis chacun s’abîma dans la lecture de son journal.

Dix minutes s’écoulèrent ainsi.

Puis le lecteur du Times jeta le journal sur la table, vida son grog d’un trait, appela le garçon, paya, et sortit après avoir porté la main à son chapeau pour saluer Julian.