Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/393

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tempes ; elle resta silencieuse et les yeux fixés sur le triangle pendant un instant ; et sans me regarder, elle me dit d’une voix rauque :

» — Le meurtre et l’incendie dans les déserts des pays d’outre-mer, l’Océan franchi pour exécuter un complot horrible ; peur et hésitation, mais le mauvais génie veille, il faut lui obéir. Ce que n’ont fait qu’à moitié dans les montagnes ceux dont vous portez les marques, ils l’achèveront cette fois tout à fait : dévoré vivant. Prenez garde au saint Bernard.

» Je me sentis pâlir, moi aussi, et je lui demandai d’une voix rauque quand cela s’accomplirait.

» — Trois mois, jour pour jour, après le coup de poignard de la voiture ! ajouta-t-elle avec un accent sinistre.

— Tout cela est un tissu de mensonges absurdes ! s’écria le Mayor en frappant du pied avec colère.

— Ce fut ce que je lui répondis ; elle tourna vers moi sa tête pâle et elle prononça lentement ces paroles d’une voix tranchante et qui me fit frémir malgré moi :

» — Le vingt-neuvième jour après celui-ci, pendant que vous ferez à votre mauvais génie le récit de notre entrevue, Dieu vous enverra un signe, dernier et suprême avertissement de sa miséricorde ; mais vous n’en tiendrez pas compte.

Felitz Oyandi se tut comme si la voix lui eût manqué tout à coup.

— Eh bien, parlez donc ! s’écria le Mayor avec impatience ; que vous dit encore la sorcière ?

— Oui, mieux vaut en finir, reprit-il en épongeant avec son mouchoir la sueur dont son visage était inondé ; elle continua ainsi :

» — Au premier coup de midi sonnant à l’église voisine de votre demeure, la grande glace placée au-dessus du canapé de crin sur lequel sera assis ce démon, dans votre cabinet, cette glace tombera et se brisera en morceaux innombrables. Maintenant, allez, ajouta-t-elle en m’indiquant la porte d’un geste dominateur ; je n’ai plus rien à