Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/422

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très bien proportionnée, avec une démarche un peu lente et pleine de majesté.

En somme, c’était une adorable jeune fille.

La comtesse de Valenfleurs l’avait engagée toute jeune à New-York, pour servir de compagne à sa fille adoptive.

Vanda l’avait prise en amitié et la traitait en amie ; les deux jeunes filles se tutoyaient ; elles ne se quittaient jamais.

C’était par hasard qu’un jour Vanda avait fait sa promenade matinale au bois de Boulogne, seule, avec Armand de Valenfleurs.

Ce jour-là, miss Lucy Gordon s’était trouvée légèrement indisposée et n’avait pu l’accompagner.

Le comte Armand venait quelquefois, mais très rarement, surprendre les dames dans leur délicieux gynécée.

Il les égayait alors par ses saillies et les anecdotes qu’il apportait du dehors, et qu’il contait avec un entrain véritablement endiablé, qui divertissait beaucoup les dames.

Un observateur aurait trouvé ample matière à réflexions en surprenant le double regard que les deux jeunes filles lançaient au jeune homme dès que celui-ci paraissait sans être annoncé sur le seuil du salon d’études.

Vanda relevait vivement la tête, ses joues se rosaient subitement, son sein se soulevait à battements précipités, sa physionomie devenait tout à coup joyeuse, son regard semblait s’illuminer ; puis soudain elle détournait la tête et baissait les yeux comme si elle avait été honteuse d’avoir laissé si clairement voir sa joie.

Miss Lucy Gordon, au contraire, demeurait immobile, la tête penchée sur sa broderie ; un léger et imperceptible frisson courait sur tout son buste, admirable de formes et de modelé ; son visage pâlissait légèrement, les commissures de ses lèvres se plissaient ; à travers ses longs cils soyeux, elle jetait un regard d’une expression étrange sur sa compagne, puis ses yeux s’animaient, ils semblaient lancer des flammes ; et sans presque relever la