Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/71

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L’haciendero retira son calumet de sa ceinture, puis il fit un geste.

L’Indien resté debout auprès des chefs s’approcha respectueusement, reçut le calumet que lui présentait don Cristoval, puis, après l’avoir chargé avec du « morrhichée » ou tabac sacré, il le rendit à l’haciendero.

— Faites votre devoir, hachesto, dit don Cristoval.

Le hachesto, ou héraut, car tel était le titre de cet Indien, se baissa, prit un tison du foyer et jeta dessus quelques pincées de tabac sacré, ce qui produisit une assez grande fumée.

Le hachesto se tourna alors vers les quatre points cardinaux, en disant d’une voix haute et gutturale :

— Wacondah ! Dieu invisible et tout-puissant, que tes narines sacrées se dilatent en aspirant aux quatre coins du ciel cette odeur précieuse de la plante sacrée que tu as donnée aux hommes rouges, tes enfants bien-aimés. Ceci est un conseil-médecine, où tes enfants vont discuter de graves intérêts ; sois en esprit avec eux ; fais descendre ta sagesse dans leur cœur. Wacondah, suprême puissance, prescience incommensurable et justice ineffable, je t’adjure ! Wacondah ! Wacondah !

Après avoir fait cette conjuration, le hachesto replaça le tison dans le feu pour le sanctifier ; puis, au moyen d’une baguette-médecine, il posa un charbon ardent sur le foyer du calumet de don Cristoval.

L’haciendero aspira deux ou trois fois la fumée, puis il passa le calumet à son voisin.

Le calumet fit ainsi trois fois le tour du feu du conseil, chacun aspirant la fumée à son tour sans qu’un mot fût prononcé.

Lorsque le calumet revint pour la troisième fois à l’haciendero, celui-ci le conserva jusqu’à ce que tout le tabac fût brûlé, alors il le remit au hachesto.

Celui-ci vida la cendre dans la paume de sa main, puis il jeta cette cendre dans le feu, en disant seulement ces quelques mots :

— Retourne, poussière impalpable, vers le maître de