Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/96

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Aux reflets des flammes du foyer agitées par la brise nocturne, ces sombres visages prenaient des apparences fantastiques qui auraient comblé de joie et d’admiration le vieux Salvator Rosa ou Bruggel d’Enfer, ces peintres des scènes terribles et émouvantes.

Un silence profond régnait dans cette formidable assemblée.

On sentait que les rudes mais loyales natures se recueillaient pour accomplir honnêtement la tâche terrible, mais essentiellement honorable, qui leur était imposée dans cette contrée sauvage, où toute justice est inconnue et qui ne reconnaît que la loi sanglante du talion : Œil pour œil, dent pour dent.

— Compagnons ! dit Belhumeur en élevant la voix, vous êtes réunis en assemblée plénière pour appliquer la loi de Lynch à l’un des principaux complices de ce monstre à face humaine qui s’est donné le nom de Mayor et dont les crimes depuis quinze ans épouvantent les prairies, cependant si peuplées de fauves de toutes races et de toutes couleurs. Et s’adressant à quatre chasseurs plus rapprochés de lui que les autres : Allez prendre le prisonnier et amenez-le ici.

Les chasseurs obéirent.

Julian, Bernardo, don Cristoval de Cardenas et Charbonneau formaient un groupe à part.

Ils étaient les plaignants.

— Quelques-uns de vous ont-ils des plaintes à articuler ? demanda Belhumeur.

— Nous ne connaissons pas encore le prisonnier, répondit la Main-Ferme ; attendons qu’il soit arrivé.

— C’est juste, fit Belhumeur assez naïvement ; je n’avais pas songé à cela.

Bientôt on vit revenir les chasseurs.

Ils amenaient au milieu d’eux le prisonnier qu’ils étaient obligés de soutenir par dessous les bras.

Garrotte depuis plus de quinze heures, le pauvre diable était comme paralysé.

Ses membres n’obéissaient plus à sa volonté.