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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/156

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grands préjudices dans l’administration ; le marquis de Garmandia n’est pas mort… On se moqua de moi ; on me railla sur ma perspicacité ; on m’appela saint Thomas et, pourtant, aujourd’hui encore, après dix-neuf ans, je persiste à croire que le marquis de Garmandia ne s’est pas brûlé la cervelle. Ah ! si l’on m’avait laissé agir à ma guise, j’aurais démasqué la fraude, et prouvé que l’homme qu’on prétendait être le marquis était tout simplement le cadavre d’un individu quelconque, défiguré tout exprès pour remplacer le marquis… Mais, sans doute, l’autorité militaire avait intérêt à étouffer l’affaire ; elle ne se souciait pas de faire monter sur l’échafaud un colonel de l’armée française, et, de plus, appartenant à la plus vieille noblesse de France. Je comprends que l’on eût des raisons spécieuses pour agir ainsi ; mais, de même que dans l’affaire Praslin, un grand coupable échappe ainsi, au mépris de la loi, qui proclame l’égalité devant la justice, au châtiment qu’il avait si bien mérité. Oui, monsieur, je le répète : malgré toutes les preuves soi-disant positives, accumulées contre mes raisonnements, je crois ne pas m’être trompé, et encore aujourd’hui j’affirme que ce n’est pas le cadavre du marquis que l’on m’a présenté, et qu’il n’est pas mort ; ou, du moins, que s’il l’est maintenant, il n’est mort que postérieurement, et plusieurs années au moins plus tard.

— Et moi, monsieur, je suis certain qu’il existe, dit nettement Bernard.

— Vous avez cette certitude, monsieur ?

— Oui, monsieur, je fais plus, j’affirme qu’il est vivant.

— Écoutez-moi, monsieur. J’ai, depuis six ans, donné ma démission. Cependant, sur les instantes prières du Préfet de police, je suis resté en relations directes avec la préfecture afin de prêter mon concours dans les cas semblables à celui qui se présente aujourd’hui, où une enquête secrète et des démarches délicates doivent être faites en dehors de l’administration. Dans ces cas exceptionnels, je suis autorisé tacitement à me mettre, si cela