Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/2

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et de retourner dans son esprit le long entretien qui avait eu lieu dans le salon d’études, entre la comtesse, la jeune fille et lui, essayant de rétablir mot pour mot cet entretien et d’en reconstituer tous les termes.

Afin d’atteindre plus facilement ce but désiré, et de ne pas être dérangé dans son travail mnémonique, le jeune comte s’était, ainsi que nous l’avons dit, lance à travers les allées les plus désertes du bois, certain de ne rencontrer, dans ces parages éloignés et solitaires, aucun de ses nombreux amis, et d’être ainsi libre de rêver tout à son aise.

Cette manière, tant soit peu jésuitique, de suivre un excellent conseil, avait en le seul résultat qu’elle devait avoir. C’est-à-dire qu’il n’avait pas cessé une seconde de songer à Vanda.

…Du reste, avouons-le, c’était surtout ce que désirait le jeune homme.

Essayez donc d’empêcher un amoureux de rêver à celle qu’il aime ! Autant vouloir faire remonter un fleuve vers sa source !

L’image adorée est toujours présente à ses yeux ; il la voit, il lui parle, il lui répond même, et cette douce illusion, dont il se berce avec volupté, lui fait éprouver une série ininterrompue d’inexprimables bonheurs.

L’amour vit surtout de ces illusions ; ou plutôt l’amour, cette fascination de l’âme qui la ravit dans les sphères éthérées, n’est par lui-même qu’une illusion ; et la preuve en est qu’aussitôt qu’elle cesse, pour une cause ou pour une autre, l’amour meurt sans retour.

On réussit bien quelquefois à le galvaniser, à lui donner, pendant un laps de temps plus ou moins long, les apparences trompeuses d’une vie fébrile ; mais, quoi qu’on fasse, on ne le ressuscite jamais.

On n’aime bien et véritablement qu’une fois dans toute son existence.

Chacun a son heure ; elle sonne tôt ou tard.

Les sceptiques qui prétendent n’avoir jamais aimé mentent effrontément, et de parti pris.