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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/309

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— Cette nuit, l’ami comanche de monsieur Bernard a lassé un drôle…

— Deux, interrompit Bernard en riant ; malheureusement l’un des deux a été étranglé net.

— De celui-là je ne vous dirai rien, sinon que je l’ai fait jeter dans la Seine du haut du pont des Saints-Pères.

— Que le diable ait son âme ! fit Bernard.

— Je ne vous parlerai donc que de l’autre, un mauvais drôle cousu de mauvaises affaires, un peu assassin, voleur et incendiaire, échappé du bagne de Rochefort, et répondant pour le présent au nom de Fil-en-Quatre.

— Un bien joli sujet ! fit Bernard.

— Oui, et précieux surtout, vous allez en juger.

— Voyons, voyons, dirent les assistants avec curiosité.

— J’étais assez embarrassé de ce drôle, je vous l’avoue ; je ne me souciais pas de lui rendre la liberté ; d’un autre côté, il m’était fort difficile de le garder. Il ne me restait donc qu’un seul moyen de prévenir une évasion probable et de n’avoir pas à redouter ses dénonciations, c’était de l’envoyer rejoindre son compagnon au fond de la Seine.

— Caraï ! dit Bernard, le moyen était raide !

— J’en conviens, mais je n’en voyais pas d’autre ; j’allais donc le mettre à exécution lorsque soudain il me vint une idée.

— Cela ne m’étonne pas, dit Bernard gaiement ; je vous sais très ingénieux : voyons l’idée.

— Tais-toi donc, bavard, dit Julian d’un ton de bonne humeur.

— C’est juste, fit-il, je ne souffle pas mot.

L’Américain reprit en souriant :

— Le moyen était tout simple ; je suis même étonné maintenant de ne pas y avoir songé plus tôt. Les drôles de l’espèce de Fil-en-Quatre n’ont qu’une passion : l’or ; qu’un désir : en récolter le plus possible, n’importe comment ; qu’une crainte : la mort cachée reçue dans les ténèbres. Joignez à cela un égoïsme féroce et une absence complète de sens moral, et vous comprendrez que ce que je fis était tout indiqué ; je fis amener ce drôle devant moi