— Oui, monsieur ; mais si la personne que monsieur attend se présente ? demanda le garçon.
— Il est minuit et demi ; je n’attends pas cette personne avant une demi-heure. Cependant si elle se présentait, vous me remettriez aussitôt sa carte.
— Monsieur peut être tranquille.
Le garçon salua et sortit.
— Hein ! dit en riant le Mayor ; comme ces garçons de cabinet sont stylés ?
— C’est admirable ! Mais maintenant que nous sommes seuls…
— Tu es curieux comme une vieille femme, interrompit le Mayor en riant. Mais soit, tu vas être satisfait. Ne t’impatiente donc pas ; m’y voici, ajouta-t-il en remplissant son verre et celui de son convive : à ta santé ! Décidément, le champagne frappé est le roi des vins !
— Oui, il est exquis, fit l’autre avec une grimace de mauvaise humeur qui augmenta la gaieté de son amphitryon.
— Tu te souviens, sans doute, que je t’ai dit que depuis quelque temps j’avais comme des soupçons graves sur le compte de…
— Doña Luz ? interrompit Felitz Oyandi. Tu la soupçonnais, je crois, de vouloir quand même aller faire visite à madame de Valenfleurs pour lui révéler certains secrets que tu ne te soucies nullement de voir publier au grand jour.
— C’est cela ; j’ajoutais que le jour où ces soupçons se changeraient en certitude, j’en finirais avec elle.
— En effet, tu m’as dit cela ; eh bien ?
— Eh bien, cette certitude je l’ai acquise, plus complète même que je ne l’aurais désiré ; doña Luz m’a enlevé plusieurs papiers importants, entre autres un certain portefeuille qui peut me perdre.
— Oh ! oh ! voilà qui est grave !
— Très grave ; elle a tout porté à madame de Valenfleurs, du moins j’ai toute espèce de raisons de le supposer.