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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

route, puis l’un après l’autre ils rentrèrent dans la venta.

La jeune fille était seule assise sur un équipal, occupée activement en apparence à raccommoder un vêtement féminin ; cependant au tremblement presque imperceptible qui agitait son corps, à la rougeur de son front et au regard craintif qu’elle laissa filtrer sous ses longues paupières à l’entrée des campesinos, il était facile de deviner que le calme qu’elle affectait était loin de son cœur et qu’au contraire une crainte secrète la tourmentait.

Ces campesinos étaient au nombre de trois. C’étaient des hommes dans la force de l’âge, aux traits durs et accentués, aux regards louches et aux façons brusques et brutales.

Ils portaient le costume mexicain des frontières et étaient bien armés.

Ils s’assirent sur un banc placé devant une table grossièrement équarrie, et l’un d’eux frappant vigoureusement du poing sur cette table, se tourna vers la jeune fille en lui disant brusquement :

— À boire.

Celle-ci tressaillit et releva vivement la tête.

— Que désirez-vous, caballeros ? dit-elle.

— Du mezcal.

Elle se leva et se hâta de les servir. Celui qui avait parlé la retint par sa robe au moment où elle se préparait à s’éloigner.

— Un instant, Carmela, lui dit-il.

— Laissez ma robe, Ruperto, fit-elle avec une petite moue de mauvaise humeur, vous allez me la déchirer.