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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

s’engagea sur le pied de la plus franche cordialité, tandis que l’enfant, enveloppée avec soin dans le chaud zarapé du chasseur, dormait avec cette tranquille et naïve insouciance particulière à cet âge heureux, où le présent est tout et l’avenir n’existe pas encore.

— Eh ! compadre, dit gaiement Tranquille en versant un verre de refino à l’hôtellier, vous menez une heureuse vie ici, à ce qu’il me semble ?

— Moi !

— Pardieu ! vous vous couchez comme les abeilles et je suis certain que vous dormez la grasse matinée.

— Que puis-je faire autre chose dans ce désert maudit, où je suis venu m’échouer pour mes péchés ?

— Les voyageurs sont donc rares ?

— Oui et non ; cela dépend de la façon dont vous l’entendez.

— Dame ! il n’y a pas deux façons de l’entendre, je crois.

— Si, deux bien distinctes.

— Bah ! je serais curieux de les connaître.

— C’est bien facile : il ne manque pas de vagabonds de toutes les couleurs dans le pays, et si je le voulais ils rempliraient ma maison toute la sainte journée ; mais du diable s’il me laisseraient voir la couleur de leur argent.

— Ah ! très-bien ; mais ces estimables caballeros ne composent pas toute votre clientelle, je suppose.

— Non ; il y a encore les Indios bravos, les Comanches, les Apaches, les Pawnées, que sais-je