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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

Quel hasard singulier avait pu l’amener si loin sur la frontière ? C’est ce que nul ne savait et dont nul ne s’occupait, chacun connaissant l’humeur vagabonde des moines mexicains dont la vie se passe à courir continuellement d’un lieu à un autre sans but et sans intérêt la plupart du temps, mais simplement au gré de leur caprice.

À cette époque le Texas ne formait encore, réuni à la province de Cohahuila, qu’un État nommé Texas-et-Cohahuila.

La caravane commandée par le capitaine don Juan Melendez était partie huit jours auparavant de Nacogdoches, pour se rendre à Mexico ; seulement, d’après les instructions qu’il avait reçues, le capitaine avait abandonné la route ordinaire, inondée en ce moment de gavillas (troupes) de bandits de toutes sortes, et avait fait un long détour afin d’éviter certains passages mal famés de la sierra de San-Saba, qu’il lui fallait traverser cependant, mais du côté des grandes prairies, c’est-à-dire à l’endroit où les hauts plateaux, s’abaissant peu à peu, n’offrent plus ces accidents de terrain si redoutables aux voyageurs.

Il fallait que les dix mules que le capitaine escortait fussent chargées d’une marchandise bien précieuse pour que le gouvernement fédéral, vu le peu de troupes qu’il avait dans l’État, se fût résolu à les faire convoyer par quarante dragons commandés par un officier de la réputation de don Juan, dont, dans les circonstances actuelles, la présence aurait sans doute été fort nécessaire, pour ne pas dire indispensable dans l’intérieur de l’État, afin de réprimer les tentatives révolutionnaires et maintenir les habitants dans le devoir.