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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

La force de la vertu est si grande, même sur les natures les plus atrophiées, que le capitaine don Juan Melendez de Gongora était respecté de tous les hommes qui l’approchaient et avec lesquels le hasard le mettait en rapport, même de ceux qui l’aimaient le moins.

Du reste, la vertu du capitaine n’avait rien d’austère ni d’outré ; c’était un franc militaire, gai, serviable, brave comme son épée et toujours prêt à venir en aide soit du bras, soit de la bourse, à tous ceux, amis ou ennemis, qui avaient recours à lui. Voilà quel était physiquement et moralement l’homme qui commandait la caravane et avait accordé sa protection au moine qui s’avançait à ses côtés.

Ce digne frayle, dont nous avons eu occasion déjà de dire quelques mots, mérite une description particulière.

Au physique c’était un homme d’une cinquantaine d’années, d’une taille presque aussi haute que large, ne ressemblant pas mal à une futaille à laquelle on aurait adapté des pieds, et pourtant doué d’une force et d’une agilité peu communes ; son nez violet, ses lèvres lippues et sa face enluminée lui donnaient une physionomie joviale que deux petits yeux gris et enfoncés, plein de feu et de résolution, rendaient ironique et railleuse.

Au moral, il ne s’éloignait en rien de la généralité des moines mexicains, c’est-à-dire qu’il était ignorant comme une carpe, gourmand, ivrogne, amateur passionné du beau sexe et superstitieux au suprême degré, au demeurant le meilleur compagnon du monde, à sa place dans toutes les sociétés et ayant toujours le mot pour rire.