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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

les quelques moments de joie auxquels nous pouvons avoir droit.

— Bravo ! voilà une philosophie que j’aime ; vous êtes un bon compagnon, padre ; j’espère que nous voyagerons longtemps ensemble.

— Cela dépend un peu de vous, señor capitaine.

— De moi ! comment cela ?

— Dam ! c’est suivant la direction que vous vous proposez de suivre.

— Hum ! fit don Juan, de quel côté allez-vous donc, vous, señor padre ?

Cette vieille tactique de répondre à une question par une autre est excellente et réussit presque toujours. Cette fois, le moine fut pris ; mais, suivant l’habitude de ses confrères, sa réponse fut ce qu’elle devait être, c’est-à-dire évasive.

— Oh ! moi, fit-il avec une insouciance affectée, tous les chemins me sont à peu près égaux ; mon habit m’assure, partout où le hasard me pousse, bon visage et bon accueil.

— C’est juste ; j’ai donc lieu de m’étonner de la question que vous m’avez adressée il y a un instant.

— Oh ! cela ne vaut pas la peine qu’on s’en occupe, honorable capitaine. Je serais désolé de vous avoir froissé ; je vous prie donc humblement de m’excuser.

— Vous ne m’avez nullement froissé, señor padre ; je n’ai aucune raison de cacher la route que je me propose de suivre ; cette recua de mules que j’escorte ne m’intéresse nullement ; demain ou après-demain au plus tard je compte m’en séparer.