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Page:Aimard - Les Rôdeurs de frontières, 1910.djvu/19

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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

un noir était subitement apparu au sommet de la roche vers laquelle les yeux du Canadien étaient en ce moment tournés.

Cet homme, arrivé à l’extrémité de la roche s’arrêta un instant, sembla prêter attentivement l’oreille en donnant les marques de la plus grande agitation, mais ce moment d’arrêt fut court, car à peine s’était-il arrêté ainsi quelques secondes, que levant avec désespoir les yeux au ciel, il se précipita dans la rivière et nagea vigoureusement vers la rive opposée.

À peine le bruit de la chute du nègre dans l’eau s’était-il éteint, que plusieurs chiens arrivèrent en courant sur la plate-forme et commencèrent un concert de hurlements horribles.

Ces chiens étaient des animaux de forte taille, ils avaient la langue pendante, les yeux injectés de sang et le poil hérissé comme s’ils venaient de fournir une longue course.

Le chasseur hocha la tête à plusieurs reprises en jetant un regard de pitié au malheureux nègre qui nageait avec cette énergie du désespoir qui décuple les forces, et saisissant ses pagaies, il dirigea sa pirogue vers lui dans le but évident de lui porter secours.

À peine avait-il commencé ce mouvement qu’une voix rauque s’éleva de la rive :

— Oh là ! oh ! cria-t-elle, silence donc, démons incarnés ! silence, by god !

Les chiens poussèrent quelques hurlements de douleur et se turent subitement.

Alors l’individu qui avait gourmandé les chiens cria d’une voix plus haute :