— Eh ! là-bas ! l’homme à la pirogue ! ohé !
Le Canadien atterrissait en ce moment sur la rive opposée ; il échoua son embarcation sur le sable, et se retourna nonchalamment vers son interlocuteur.
Celui-ci était un homme de taille moyenne, trapu, vêtu comme le sont ordinairement les riches fermiers ; sa physionomie était brutalement chafouine ; quatre individus, qui paraissaient être ses domestiques, se tenaient auprès de lui : il va sans dire que ces cinq personnages tenaient en main des fusils.
La rivière en cet endroit était assez large : elle avait à peu près quarante mètres, ce qui, provisoirement du moins, établissait une barrière assez respectable entre le nègre et ceux qui le poursuivaient.
Le Canadien s’appuya contre un arbre :
— Est-ce à moi que vous vous adressez, par hasard ? répondit-il d’un ton assez méprisant.
— Et à qui donc, by god ! répondit avec colère le premier interlocuteur ; ainsi, tâchez de répondre à mes questions.
— Et pourquoi répondrai-je à vos questions, s’il vous plaît ? reprit en riant le Canadien.
— Parce que je vous l’ordonne, drôle que vous êtes ! fit brutalement l’autre.
Le chasseur haussa dédaigneusement les épaules.
— Bonsoir, dit-il, et il fit un mouvement pour s’éloigner.
— Demeurez là, by god ! s’écria l’Américain, ou, aussi vrai que je me nomme John Davis, je vous envoie une balle dans la tête.
En proférant cette menace il épaula son fusil.
— Ah ! ah ! fit en riant le Canadien, vous êtes John Davis, le fameux marchand d’esclaves !