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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

de leur course, et ils débouchèrent enfin sur le théâtre de la lutte.

Un spectacle étrange et terrible s’offrit alors à leurs regards épouvantés.

Dans une clairière assez étroite, une femme évanouie était étendue à terre auprès d’un cheval éventré qui se débattait dans les dernières convulsions de l’agonie.

Cette femme était immobile, elle paraissait morte.

Deux jeunes tigres accroupis comme des chats fixaient sur elle leurs yeux ardents et se préparaient à l’assaillir ; à quelques pas de là un tigre blessé se roulait sur le sol en râlant avec fureur, et cherchait à bondir contre un homme qui, un genou en terre, le bras gauche en avant enveloppé des plis nombreux d’un zarapé et la main droite armée d’un large machette attendait résolument son attaque.

Derrière cet homme, un cheval, le cou allongé, les naseaux fumants, les oreilles couchées en arrière, frisonnait de terreur sur ses quatre pieds fortement arc-boutés ; un second tigre, pelotonné sur la maîtresse branche d’un mélèze, fixait des regards ardents sur le cavalier démonté, en battant l’air de sa queue puissante et en poussant de sourds miaulements.

Ce que nous avons mis tant de temps à décrire, les chasseurs le virent d’un coup d’œil ; rapides comme l’éclair, les hardis aventuriers, d’un geste d’une simplicité sublime, se distribuèrent leurs rôles.

Tandis que Quoniam s’élançait sur les deux jeunes tigres, et les saisissant par le cou leur brisait