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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

Il rechargea son rifle, sauta dans la pirogue, et en quelques coups de pagaie il se trouva de l’autre côté de la rivière.

— Là ! fit-il en débarquant et en s’approchant de l’Américain, qui se tordait comme un serpent sur la plate-forme, en hurlant et en blasphémant, je vous avais averti ; je ne voulais qu’égaliser les chances, vous ne devez pas vous plaindre de ce qui vous arrive, mon cher ami : la faute en est à vous seul.

— Saisissez-le ! tuez-le ! criait le misérable, en proie à une rage indicible.

— Là ! là ! calmons-nous. Mon Dieu, vous n’avez que le bras cassé, après tout ; réfléchissez qu’il m’eût été facile de vous tuer si je l’avais voulu. Que diable ! il faut être de bon compte aussi, vous n’êtes pas raisonnable.

— Oh ! je te tuerai ! cria-t-il en grinçant des dents.

— Je ne crois pas, à présent du moins ; plus tard je ne dis pas. Mais laissons cela ; je vais examiner votre blessure et vous panser tout en causant.

— Ne me touche pas ! ne m’approche pas, ou je ne sais à quelle extrémité je me porterai.

Le Canadien haussa les épaules.

— Vous êtes fou, dit-il.

Incapable de supporter plus longtemps l’état d’exaspération dans lequel il se trouvait, le marchand, affaibli d’ailleurs par le sang qu’il perdait, fit un vain effort pour se relever et se précipiter sur son ennemi ; mais il tomba à la renverse et s’évanouit en murmurant une dernière imprécation.

Les domestiques étaient restés attérés autant de l’adresse sans exemple de cet homme étrange que de