pour elles ces troupes étaient isolées, aucun lien ne les rattachait entre elles pour en former un tout compacte et redoutable, elles obéissaient à des chefs indépendants les uns des autres, qui tous voulaient commander sans consentir à faire plier leur volonté sous une volonté supérieure et unique, seul moyen, cependant, d’obtenir des résultats positifs et de conquérir cette indépendance qui, dans l’esprit des gens les plus éclairés du pays, était encore considérée comme une utopie, à cause de cette malheureuse désunion.
Les cavaliers que nous avons mis en scène s’étaient placés sous les ordres du Jaguar, dont, malgré sa jeunesse, la réputation de courage, d’habileté et de prudence était trop solidement établie dans toute la contrée pour que son nom seul n’inspirât pas la terreur aux ennemis avec lesquels le hasard le mettrait en présence.
La suite prouvera qu’en le choisissant pour chef, les colons ne s’étaient pas trompés sur son compte.
Le Jaguar était bien le chef qu’il fallait à de tels hommes ; il était jeune, beau et doué de cette fascination qui improvise les royautés ; il parlait peu, mais chacune de ses phrases laissait un souvenir.
Il avait compris ce que ses compagnons attendaient de lui, et il avait accompli des prodiges, car, ainsi qu’il arrive toujours pour les âmes nées pour les grandes choses, qui s’élèvent à mesure et restent constamment au niveau des événements, sa position, en s’élargissant, avait pour ainsi dire élargi son intelligence ; son coup d’œil était devenu infaillible, sa volonté, de fer ; il s’identifia si bien avec sa nouvelle position qu’il ne se laissa plus dominer ni