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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

— Dieu me préserve d’être tombé entre les mains de l’esprit du mal, balbutia-t-il.

— Allons, fou que vous êtes, reprit l’autre en haussant les épaules avec mépris, rassurez-vous : je ne suis pas le démon, mais bien un homme comme vous, peut-être un peu moins hypocrite, ce qui fait la seule différence, voilà tout.

— Dites-vous vrai ? Êtes-vous réellement un de mes semblables disposé à m’être utile ?

— Qui peut répondre de l’avenir, reprit l’inconnu avec un sourire énigmatique ; jusqu’à présent du moins vous n’avez pas eu, je suppose, à vous plaindre de moi.

— Non, oh ! non, je ne le crois pas, bien que depuis mon évanouissement mes idées se soient totalement brouillées et que je ne me souvienne plus de rien.

— Peu m’importe, cela ne me regarde pas, je ne vous demande rien ; j’ai assez de mes propres affaires, sans m’occuper de celles des autres. Voyons, vous sentez-vous mieux ? Êtes-vous assez remis pour continuer votre route ?

— Comment ! continuer ma route ? demanda le moine avec crainte, comptez-vous donc m’abandonner seul ici ?

— Pourquoi pas ? Je n’ai déjà perdu que trop de temps auprès de vous, je dois maintenant songer à mes affaires.

— Eh quoi ! se récria le moine, après l’intérêt que vous m’avez si bénévolement témoigné, vous auriez le courage de m’abandonner ainsi presque mourant, sans souci de ce qui pourrait m’advenir après votre départ ?