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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

que vous m’adresserez, je vous écouterai, je vous le jure.

— Bah ! oubliez ce que je vous ai dit ; j’ai eu tort de vouloir me mêler de vos affaires : dans la prairie, chacun ne doit songer qu’à soi, n’en parlons donc plus.

Le Jaguar lui lança un long et profond regard.

— Soit, répondit-il ; n’en parlons plus.

Il se leva et fit quelques pas d’un air agité ; puis, revenant brusquement près du chasseur :

— Excusez-moi, lui dit-il, de n’avoir pas encore songé à vous offrir des rafraîchissements, mais voici l’heure du repas ; j’espère que votre compagnon et vous vous me ferez l’honneur de partager mon frugal déjeuner.

En parlant ainsi, le Jaguar fixait sur le Canadien un regard d’une expression singulière.

Tranquille eut une seconde d’hésitation.

— Ce matin, au lever du soleil, dit-il enfin, mon ami et moi nous avons mangé, quelques minutes avant d’entrer dans votre camp.

— J’en étais sûr ! s’écria avec explosion le jeune homme. Oh ! oh ! maintenant mes doutes sont dissipés, vous refusez l’eau et le sel à mon feu, chasseur.

— Moi ? mais vous vous…

— Oh ! interrompit-il avec violence, pas de dénégations, Tranquille ; ne cherchez pas de prétextes indignes de vous et de moi ; vous êtes un homme trop loyal et trop sincère pour ne pas être franc, cuerpo de Cristo ! Ainsi que moi, vous connaissez la loi des prairies : on ne rompt pas le jeûne avec un ennemi. Maintenant, s’il vous reste au fond de