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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

l’âme une seule parcelle de ces sentiments de bienveillance que vous avez eus pour moi à une autre époque, expliquez-vous clairement et sans ambages, je l’exige !

Le Canadien parut réfléchir quelques minutes, puis tout à coup il s’écria résolûment :

— Au fait, vous avez raison, Jaguar, mieux vaut nous expliquer comme de francs chasseurs que de biaiser vis-à-vis l’un de l’autre comme des Peaux-Rouges, et puis nul homme n’est infaillible : je puis me tromper aussi bien qu’un autre, et Dieu est témoin que je voudrais qu’il en fût ainsi.

— Je vous écoute, et, sur l’honneur, si les reproches que vous m’adresserez sont fondés, je le reconnaîtrai.

— Bien, fit le chasseur d’un ton plus amical que celui qu’il avait employé jusqu’alors, vous parlez en homme, mais peut-être, ajouta-t-il en désignant le Cœur-Loyal qui, par discrétion, faisait le geste de se retirer, préférez-vous que notre entretien soit secret.

— Au contraire, répondit vivement le Jaguar, ce chasseur est votre ami, j’espère que bientôt il sera le mien, je ne veux rien avoir de caché pour lui.

— Je désire ardemment, pour ma part, dit en s’inclinant le Cœur-Loyal, que le léger nuage qui s’est élevé entre vous et Tranquille se dissipe comme la vapeur folle que chasse la brise du matin, afin de faire avec vous plus ample connaissance, et puisque vous le voulez, j’assisterai à votre conversation.

— Merci, caballero. Maintenant, parlez, Tranquille, je suis prêt à entendre les griefs que vous supposez avoir à articuler contre moi.

— Malheureusement, dit Tranquille, la vie étrange