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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

tantôt formant de capricieuses paraboles, montant et descendant sans cesse au milieu des immenses touffes de cette espèce de gui parasite nommé barbe d’Espagnol qui tombe en larges bouquets de l’extrémité des branches de tous les arbres ; le sol, couvert de détritus de toute sorte et de l’humus formé par les arbres morts de vieillesse, se dérobe sous une herbe touffue et haute de plusieurs mètres. Les arbres, presque tous de la même essence, offrent si peu de variété, que chacun d’eux semble n’être que la répétition de tous les autres.

Ces forêts sont traversées dans tous les sens par des sentes tracées depuis des siècles par les pieds des bêtes fauves, et conduisant à leurs mystérieux abreuvoirs ; çà et là perdus sous le feuillage des marais infects au-dessus desquels bourdonnent des myriades de moustiques, causent d’épais brouillards qui s’élèvent de leur sein et remplissent la forêt de ténèbres ; des reptiles et des insectes de toutes sortes rampent sur le sol, silencieusement tandis que les cris des oiseaux et les rauques appels des bêtes fauves forment un formidable concert que les échos des lagunes se renvoient simultanément.

Les plus aguerris coureurs des bois ne se hasardent qu’en tremblant dans les forêts vierges, car il est presque impossible de s’y orienter avec certitude, et l’on ne peut se fier aux sentes qui toutes se croisent et s’entre-mêlent ; les chasseurs savent par expérience qu’une fois perdu dans une de ces forêts, à moins d’un miracle il y faut périr enserré dans les murailles formées par les hautes herbes et les rideaux de lianes, sans espoir d’être secouru et sauvé par un être de son espèce.