Aller au contenu

Page:Aimard - Les Rôdeurs de frontières, 1910.djvu/75

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
69
LES RODEURS DE FRONTIÈRES

reux et occupé, comme un seigneur du moyen-âge au milieu de ses vassaux.

Cette idée souriait d’autant plus au capitaine qu’il lui semblait que, de cette façon, il continuait, en quelque sorte, à servir activement son pays puisqu’il plantait les premiers jalons d’une prospérité future et faisait éclore les premières lueurs de la civilisation sur des terres livrées encore à toutes les horreurs de la barbarie.

Le capitaine avait longtemps été occupé, avec sa compagnie, à défendre les frontières de l’Union contre les déprédations continuelles des Peaux-Rouges et à s’opposer à leurs incursions ; il avait donc une connaissance superficielle, il est vrai, mais suffisante des mœurs indiennes et des moyens qu’il fallait employer pour ne pas être inquiété par ces remuants voisins.

Dans le cours des nombreuses expéditions que son service l’avait contraint de faire, le capitaine avait visité bien des plaines fertiles, bien des territoires dont l’aspect lui avait plu, mais il en était un surtout dont le souvenir était opiniâtrement demeuré gravé dans sa mémoire, c’était celui d’une délicieuse vallée qu’il avait entrevue un jour comme dans un rêve, à la suite d’une partie de chasse faite en compagnie d’un coureur des bois, chasse qui avait duré plus de trois semaines, et l’avait insensiblement amené plus loin que jamais homme civilisé n’était parvenu avant lui dans le désert.

Depuis plus de vingt ans qu’il n’avait pas revu cette vallée, il se la rappelait comme s’il l’eût quittée la veille, la voyant pour ainsi dire jusque dans ses plus minces détails ; cette obstination de sa mémoire