Page:Aimard - Les Trappeurs de l’Arkansas, 1858.djvu/272

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exécution leur parût juste, les Comanches répugnaient à torturer une femme sans défense, déjà âgée et qui jamais ne leur avait nui, ni directement, ni indirectement.

La Tête-d’Aigle lui-même, malgré sa haine, éprouvait quelque chose comme un remords secret du crime qu’il commettait ; loin de hâter les derniers préparatifs, il ne les faisait qu’avec une mollesse et un dégoût qu’il ne pouvait parvenir à surmonter.

Pour des hommes intrépides, accoutumés à braver les plus grands périls, c’est toujours une action déshonorante que celle de torturer une créature faible, une femme qui n’a d’autre défense que ses larmes. Si c’eût été un homme, l’accord eût été unanime dans la tribu pour l’attacher au poteau.

Les prisonniers indiens se rient des supplices, ils insultent leurs bourreaux, et dans leurs chants de mort ils reprochent à leurs vainqueurs leur lâcheté, leur inexpérience à faire souffrir leurs victimes, ils énumèrent leurs hauts faits, ils comptent les ennemis dont ils ont enlevé la chevelure avant de succomber eux-mêmes, enfin par leurs sarcasmes et leur attitude méprisante, ils excitent la colère de leurs bourreaux, raniment leur haine et justifient jusqu’à un certain point leur férocité.

Mais une femme, faible, résignée, se présentant comme un agneau à la boucherie, à demi-morte déjà, quel intérêt pouvait offrir une pareille exécution ?