Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/172

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Non. Je l’attends.

— Je puis vous éviter cette attente pénible.

— Oh ! pénible ! Allez toujours.

— Mauclerc a souffleté son adversaire.

— Je croyais le contraire. On m’a assuré que c’est lui qui avait été gifflé le premier.

— On s’était contenté de lui ganter la figure,

— Ganter est joli ! Il y a ganter et ganter, dit-il en riant. Bref, ces messieurs se sont battus, n’est-ce pas ?

— Oui.

— Et l’adversaire de Mauclerc est sur le flanc ; voilà qui m’explique sa disparition. Il aura filé pour la Belgique.

— Ce n’est pas cela.

— Il n’a pas filé ?

— Ce départ était difficile. Mauclerc, qui venait de blesser son premier adversaire, a de son second reçu un coup d’épée au travers du corps.

— Ils se sont mis à deux ? c’est un assassinat !

— Non. Il y a eu deux duels au lieu d’un.

— Les témoins n’auraient pas dû le permettre.

— On n’est pas sorti des règles les plus strictes d’une rencontre loyale.

— Une si bonne lame, se faire trouer le bedon, pardon le ventre, aussi maladroitement !

— Maladroitement ? que nenni. Il n’a été touché que par un coup de maître.

— Vous y étiez ?

— J’étais un des témoins de Mauclerc.

— Excusez du peu ! Pour un ouvrier, vous avez de belles connaissances.

— Dans ces moments-là, on est embarrassé, et, pour peu qu’on veuille en finir vite, on prend qui vous tombe sous la main, fit modestement Passe-Partout.

— En somme, est-il blessé grièvement, le maladroit ?

— On craint pour sa vie. Le médecin qui a fait le premier pansement n’a qu’un bien faible espoir.

— Bigre ! Et où l’a-t-on transporté ?

— Trop faible pour que ses témoins pussent le ramener à son domicile, il a été conduit allée des Veuves, dans la maison de santé du docteur Martel.

— Bonne maison !

— Vous la connaissez ?

— Oui.

— Et le docteur Martel ?

— Je dois le connaître aussi, répondit vaniteusement M. Jules ; mais continuez.

— En reprenant ses forces, Mauclerc m’a aperçu, et, faisant de la main un geste pour éloigner tous les assistants, il m’a prié de me pencher vers lui…

— Allez, je ne perds pas un mot de la mise en scène, dit l’homme.

— Je lui obéis ; alors, me serrant la main et me parlant à l’oreille, il me dit : « Mon ami, vous m’avez déjà rendu le bon office de me servir de témoin…