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Un comte de Casa-Real se réfugia avec Pelage dans les montagnes de la Cantabrie et combattit à ses côtés à Cavadonga, l’an 737.

Plus tard, au nombre des gentilshommes castillans qui voulurent accompagner Christoval Colomb, lors de son premier voyage, et s’embarquèrent avec lui à Palaos de Moguer sur sa caravelle, se trouvait aussi un Casa-Real.

Dans le cours de ce premier voyage, Christoval Colomb découvrit l’île de Cuba.

Le comte de Casa-Real, son compagnon, séduit par les enchantements de cette terre nouvelle, demanda le consentement de son amiral, l’obtint, se fit débarquer et s’y établit.

Depuis cette époque, cette branche de la famille des Casa-Real figura toujours parmi les plus puissantes familles des deux Amériques.

Avec le temps, ses richesses s’accrurent dans des proportions incalculables.

La plus grande partie de l’île de Cuba, ce joyau précieux de la couronne de Castille, devint sa propriété.

Cependant, malgré l’accroissement de ses richesses et de son influence, cette famille resta toujours fidèle à la monarchie espagnole.

À plusieurs reprises même, les Casa-Real la défendirent vaillamment au prix de leur sang, la soutinrent généreusement au prix de leur or.

Lors de l’abdication du roi Charles IV et de l’envahissement de l’Espagne par l’armée française, le chef de la branche principale de cette maison, restée dans la mère patrie, refusa de prêter serment au roi Joseph.

Il émigra avec tous les siens.

Naturellement le lieu de son émigration fut l’île de Cuba, où les Casa-Real américano-espagnols le reçurent à bras ouverts.

Il y demeura jusqu’à la restauration des Bourbons en Espagne.

Alors, cette famille fidèle et dévouée à la royauté revint prendre sa place auprès du roi Ferdinand VII.

Mais les quelques années d’exil en Amérique avaient resserré les liens un peu relâchés entre les deux branches de cette noble maison.

Ce qui n’avait pas eu lieu jusque-là, des rapports fréquents s’établirent entre les Casa-Real d’Europe et les Casa-Real d’Amérique.

Il y eut de nombreuses alliances entre les membres des deux branches de cette famille.

L’Océan n’exista plus pour elles.

Le 25 octobre 1846, c’est-à-dire sept mois environ avant les événements que nous avons rapportés dans notre précédent volume, entre deux et trois heures de l’après-midi, un brick de deux cent cinquante à trois cents tonneaux, portant le pavillon mexicain à sa corne, qui, depuis le matin, louvoyait bord sur bord, dans la passe, donna dans la rade de Matanzas, un des ports les plus commerçants et les plus achalandés de l’île de Cuba ; puis, avec une adresse remarquable, ce brick vint se ranger bord à quai dans le port intérieur.

Cette manœuvre, très difficile, avait été admirée par les nombreux oisifs réunis en ce moment sur le quai de Matanzas.