Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/197

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— Alors, monsieur le comte, permettez-moi de vous faire remarquer vos hésitations et de vous certifier que je ne les comprends pas.

— Le comte de Casa-Real n’aime pas risquer un refus, dit la comtesse.

— Il n’y a pas de refus possible, madame, répondit Noël à Mme de Casa-Real ; puis, ne regardant que son mari : et d’avance, vous m’entendez bien, monsieur le comte, je m’engage à accéder à votre demande, quelle qu’elle puisse être.

— Je retiens votre parole, capitaine.

— Je vous écoute.

— Oh ! ne vous effrayez pas d’avance, cher monsieur Noël. Voici ce dont il s’agit : Avant peu nous allons nous quitter pour longtemps, peut-être pour toujours. Vous, vous reprendrez vos courses aventureuses à travers l’océan, votre domaine ; moi, je ne sortirai plus de mon habitation ou tout au moins de Cuba. Cette séparation me peine. Vous vous êtes montré pendant la traversée si bon, si aimable pour moi et les miens, vous vous êtes conduit, envers un pauvre et ennuyeux malade, avec tant de délicatesse et de prévenances, que vous avez gagné toute mon amitié.

Le capitaine s’inclina sans répondre.

Le comte et la comtesse échangèrent un regard à la dérobée.

Au bout d’un instant de silence, M. de Casa-Real ajouta :

— Cela posé, vous ne vous étonnerez pas que je vous supplie de venir passer quelques jours à mon château de Casa-Real.

— Ah ! c’est cela ?… fit le capitaine étonné, et ne pouvant s’empêcher de jeter un regard sur la créole.

Celle-ci ne semblait ni voir ni entendre.

— Oui, repartit le comte. Est-ce chose impossible ?

— Je vous ai répondu d’avance, monsieur le comte, que rien ne me serait impossible pour vous satisfaire.

— Alors, vous partez avec nous ?

— Ce soir même ?

— Ce soir.

« Oui, je vous emmène.

— Ah ! voilà qui est plus difficile.

— Allez-vous me manquer de parole déjà ? fit le comte. J’ai été votre hôte à bord, devenez le mien à Casa-Real.

— Mon cher comte, des devoirs impérieux réclament ma présence à bord de mon navire, pendant quelques jours, tout au moins.

— Ainsi vous refusez ?

— Non pas ; mais, ces devoirs accomplis, je me rends à votre habitation, et j’y passerai tout le temps que vous voudrez.

— Foi de marin ?

— Foi de marin !

— Bien ! De quel nombre de jours avez-vous besoin pour terminer vos affaires, capitaine ?

— De sept ou huit jours au moins.