Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/207

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hôte et saluant profondément son hôtesse ; un pareil accueil me touche. Je ne saurai jamais trop le reconnaître.

— Vous reconnaîtrez mon hospitalité en l’acceptant comme je vous l’offre, franchement et de tout cœur. Vous nous comblerez même en agissant avec nous comme avec de vieux amis.

Noël regardait la comtesse en souriant.

Le comte n’eut pas l’air de remarquer ce sourire, et il ajouta :

— Ici pas de façon, pas d’étiquette.

— Je me conformerai à vos instructions.

— Mais, mon ami, interrompit la belle Hermosa, vous ne songez pas qu’au lieu de retenir ici M. le capitaine Noël, vous…

Le comte ne la laissa pas achever.

— J’oubliais en effet la fatigue du chemin, mais la joie que j’éprouve en voyant le capitaine sous mon toit est mon excuse.

— La fatigue et moi nous sommes de vieilles connaissances, monsieur le comte.

— Marcos Praya ! appela ce dernier.

— Seigneurie ? fit le métis, avançant à l’appel de son maître.

— Conduisez ce caballero à son appartement.

— Mais…

— Oh ! pas de cérémonie… N’allez pas vous croire obligé de demeurer plus longtemps près de moi… Vous avez besoin de repos… Suivez Marcos Praya, je vous prie.

Ne croyant pas devoir insister plus longuement, le capitaine suivit le majordome.

Après avoir traversé de nombreux et vastes corridors, ils arrivèrent à un élégant appartement.

Le capitaine se souvint de l’avoir habité déjà à une époque antérieure.

Marcos, exécutant les ordres du comte de Casa-Real, était censé ne pas se douter de la connaissance que Noël pouvait déjà posséder de ces êtres.

Noël imita sa réserve.

Le métis ouvrit la porte de l’antichambre et s’arrêta sur le seuil.

— Entrez, señor, fit-il.

— Vous ne me montrez pas le chemin plus avant ? demanda un peu ironiquement le capitaine.

— Tout est disposé pour que Sa Seigneurie ne manque de rien, répondit froidement Marcos Praya.

Noël entra.

Le métis ajouta :

— La cloche du dîner sonne à six heures.

— Bien !

— Sa Seigneurie n’a pas autre chose à me dire ?

— Pas autre chose. Merci.

Marcos Praya referma la porte et revint sur ses pas.

Dès qu’il se crut certain de ne plus être vu par l’hôte de son maître, le métis changea de physionomie.