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Ils descendirent tous, moins le dernier venu, qui se contenta de remettre à l’un des siens une boîte à pistolets et deux paires d’épées contenues dans un large fourreau de serge verte.

— Je reste, murmura-t-il à l’oreille du domino auquel il remettait ces armes ; si les quatre premiers sont touchés, le cinquième viendra me chercher.

— C’est convenu, mais espérons qu’on n’aura pas besoin de toi, lui répondit l’autre avec un demi-sourire.

— On ne sait pas, tenez-vous bien… le bandit a un poignet de fer, et il tire comme un maître. Bonne chance !

Les deux voitures s’étaient arrêtées au milieu d’un terrain vague encombré de pierres, de moellons, de solives et d’outils de toutes sortes, dans le quartier Beaujon, que l’on commençait alors à construire.

— Ici, nul ne nous troublera, fit le premier domino.

— C’est tout ce que je demande, répondit celui des habits noirs qui semblait le plus intéressé dans cette affaire.

Les six hommes s’enfoncèrent dans le dédale d’un hôtel en construction. Le dernier d’entre eux replaça derrière lui une planche que le premier avait enlevée pour pénétrer dans les décombres.

On fit halte dans une cour d’une dizaine de mètres de largeur, à peu près débarrassée de gravois et de pierres.

— Les armes ? dit l’un des dominos.

— Elles sont là. Le choix en appartient à monsieur, répondit un autre qui les portait.

— Pardon, messieurs, fit celui à qui l’on parlait, pardon ! Avant tout, désirant que les choses se fassent proprement, sinon en règle, permettez-moi de vous présenter mes témoins : M. le vicomte de Rioban et M. le baron d’Entragues.

— Nous connaissons ces messieurs, monsieur de Mauclerc.

— Ah ! il paraît que vous me connaissez aussi moi-même, fit de Mauclerc ; c’est à merveille. Maintenant, je l’espère, vous voudrez bien, pour que la partie soit égale, me faire savoir à qui j’ai affaire, d’abord comme adversaire, ensuite à qui ces messieurs auront à parler en qualité de témoins.

— À quoi bon tout cela ? répondit le premier domino ; l’un de nous vous a insulté, l’un de nous vous rendra raison. Désignez celui qu’il vous conviendra de prendre à partie, et soyez sûr qu’on fera droit à votre demande.

— Charmant ! s’écria Mauclerc en riant du bout des lèvres. Un de ces outrages qu’on ne pardonne pas…

— Dites le mot, monsieur, vous avez été souffleté.

— Parfaitement, dit Mauclerc, qui, sur le terrain, avait retrouvé son sang-froid de duelliste consommé. Parfaitement, et soyez tranquille, dans cinq minutes je laverai ma joue dans le sang du fou qui me l’a salie. Je ne vous demande même pas le motif de cette attaque. Mais je ne veux pas tuer Pierre, si c’est Paul qui est le fou en question. Voyons, messieurs, lequel de vous est le Paul demandé ?

— À la bonne heure ! fit une voix amère ; on voit que le déshonneur est