— Par tous les diables ! comme vous y allez, señor ! Vous n’avez qu’à parler, on se tiendra pour averti.
Marcos se repentait déjà de son emportement.
Il revint le premier, et tendit la main au marin, qui se laissa faire.
— Voyons, laissons cela. J’ai été un peu vif.
— Un peu, oui.
— Que me vouliez-vous ?
— Dame ! Je venais pour… répondit l’autre avec une légère hésitation.
— Pour quoi ?
— Eh bien !… n’est-ce pas le moment ?
— Quel moment !
— Vous savez…
— Non.
— Le mousse…
— Eh bien ?
— Il nous trahira.
— Pourquoi nous trahirait-il ? C’est une brave et naïve créature. Faisons-lui jurer sur la sainte Vierge qu’il n’ouvrira jamais la bouche sur ce qui s’est passé cette nuit. Il ne parlera pas plus contre nous qu’il n’a voulu s’engager à parler comme nous.
— Hum ! fit le maître d’équipage… vous vous contenteriez de sa promesse ?
— Oui.
— Ma foi ! moi, non. Il nous vendra, sans le vouloir… Mais le mal n’en sera pas moins grand, et nous n’en serons pas moins pendus.
— C’est une dure alternative, murmura Marcos Praya.
— Vous avez l’âme tendre, ce matin, señor, ricana le bandit. Décidez-vous. Vous avez entendu la señora, elle l’a dit : la mer est profonde. Ajoutons qu’elle est muette, et nous ne tromperons ni elle ni nous.
— Un enfant !
— Lui ou nous ! reprit nettement le marin. C’est une question de vie ou de mort.
— Pauvre petit diable !
— Pauvre ! oui ; petit ! oui encore ; mais diable aussi. Or, il est un proverbe qui prétend que tuerie diable est préférable à se faire tuer par lui.
— Faites ; mais je ne me mêle de rien.
— À votre aise.
— Je m’en lave les mains.
— Vous vous les lavez avant, señor, moi je me les laverai après le coup, et tout ira le mieux du monde. Ce mousse tient la vie de huit personnes au bout de sa langue ; laissez-moi arranger ça.
— Il le faut bien !
— Voyez… que risquons-nous ? Aucun navire n’est en vue.
— Tant pis !
— Partout le ciel et l’eau.
— L’eau engloutira l’enfant et cachera sa mort, mais le ciel nous verra, lui, fit le métis avec un frémissement intime.