Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/290

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— Ce qui fait qu’on en est débarrassé.

— Parfait ! parfait ! parfait ! continua Arthur sur le même mode.

— Assez, Arthur, lui cria la Pomme en se bâtissant un porte-voix à l’aide de ses deux petites mains.

— Sergent, voulez-vous vous charger de payer le cocher et de monter ma malle ? demanda M. Lenoir au concierge.

— Avec plaisir, répondit ce dernier. Montez vite chez vous, vous devez être gelé après une nuit passée en voiture.

— Une nuit ! vous voulez dire quatre nuits !

— Quatre nuits !

Et le père Pinson regarda M. Lenoir, qui, tout en clignant de l’œil et en lui adressant, un signe d’intelligence impossible à comprendre pour les autres, se dirigeait vers le perron conduisant à son escalier.

— Saperlotte ! monsieur Lenoir revient de Cayenne, grommela le jeune Arthur.

— Pas tout à fait… mais vous brûlez, répliqua le nouvel arrivé.

— Je retiens des graines de poivrier, lui cria la Pomme.

— Moqueuse ! vous en aurez… si vous venez me les demander chez moi.

— Quand cela ?

— Tout de suite.

— Pas toute seule.

— Pour qui me prenez-vous ? Avec ces messieurs, qui me feront l’honneur de déjeuner avec moi, sans façon ; je meurs de faim.

— Et nous aussi ! chantèrent en chœur les trois noctambules.

— Cela se trouve bien. Suivez-moi.

— Par le flanc gauche ! comme dit le père Pinson, hurla Arthur, et suivant M. Lenoir, il continua toujours en hurlant : une ! deux ! une ! deux ! emboîtons ! emboîtez ! j’emboîte.

— Sergent ? fit l’amphitryon au moment de monter la première marche de l’escalier.

— Monsieur, me voici. Je paye le cocher.

— Ne vous pressez pas. Vous voudrez bien nous monter à déjeuner.

— Dans un instant. Combien de couverts ?

— Six, répondit le commis voyageur.

— Mettez-en huit, pendant que vous y êtes ! cria Arthur.

— Je grimpe votre malle, et après…

— Ne vous donnez pas cette peine, fit la Pomme, ces messieurs s’en chargeront.

— Hein ? dit Arthur.

— Empoigne, lui souffla Adolphe dans l’oreille, et plus un mot.

— Mais…

— Je ne souffrirai pas… voulut dire M. Lenoir.

Mais, quoi qu’il en eût, Adolphe saisit une des poignées de la malle, la Pomme força Arthur à prendre l’autre, et s’écriant de sa plus belle voix de commandement :

— Enlevé ! c’est pesé !