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X

UNE EXPLICATION ORAGEUSE

Peu d’instants après, voiture et cavaliers enfilaient l’avenue Montaigne.

Au tiers de cette avenue, s’élevait alors, entre cour et jardin, un de ces hôtels rocaille que la marquise de Pompadour avait mis à la mode sous Louis XV.

L’hôtel de la comtesse de Casa-Real, fringant, coquet, musqué, avait dû, sans aucun doute, servir de petite maison à l’un de ces voluptueux grands seigneurs qu’au bon temps, sous la Régence, on surnommait les Roués.

La grille en était toute grande ouverte.

L’équipage entra au grand trot et tourna devant un perron de marbre blanc.

Le comte de Warrens, arrivé juste à point, se trouvait sur la première marche pour offrir son bras à la jeune femme, après avoir jeté la bride de son cheval à Corneille Pulk.

Mme de Casa-Real mit pied à terre, accepta le bras du comte, et, se tournant du côté du colonel Renaud, qui était resté en selle, elle lui dit :

— Vous ne nous suivez pas ?

Martial Renaud allait répondre ; son frère lui en épargna la peine.

— Le colonel a une visite à rendre. Nous devions la faire ensemble, et, vous le voyez, comtesse, pour obéir à l’un de vos gestes, je manquerai de politesse aujourd’hui, et je me ferai peut-être un ennemi.

— Un ennemi est moins à redouter qu’une ennemie, répondit Mme de Casa-Real avec un demi-sourire. Je ne veux pas retenir votre ami malgré lui, et je le remercie de m’avoir escortée jusqu’ici. Il est libre de se retirer, mais à une condition.

— Une condition dictée par vous ne peut être qu’une faveur, fit sans sourciller le colonel.

— Vous vous souviendrez de ceci : Je reçois le mercredi officiellement, c’est vous dire que ces jours-là on ne s’amuse pas beaucoup ; mais pour mes intimes, et vous en serez, monsieur le colonel, je reste généralement chez moi de trois à cinq.

Martial Renaud remercia et partit, après avoir échangé un dernier coup d’œil avec M. de Warrens.

— Un charmant homme, votre ami ! fit la jeune femme en le suivant des yeux.

— Mieux et plus que cela, repartit le comte.

— Ah !

— C’est un honnête homme et un homme de cœur.

— Tout cela ?

— Oui, madame.