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Aux quatre coins du rocher, sur des bonheurs de la nuit, quatre statuettes, le Silence, la Nuit, le Sommeil et le Rêve.

Chacune de ces statuettes, tenant d’une main un lampadaire antique, de l’autre soutenait les rideaux du lit, en tout semblables à la tapisserie.

Une glace, aussi large que la corbeille de fleurs, servait de ciel de lit, et pour peu que cela plût à la solitaire habitante de cet asile enchanteur, à l’aide d’un bouton, elle pouvait faire monter, à ses pieds et à sa tête, deux autres glaces pareilles à celle du dôme.

Les meubles, en bois de rose, étaient garnis en satin rose glacé d’argent, et bien qu’il y eût des fenêtres, recevaient un jour mystérieux tombant de la voûte.

Derrière cette adorable chambre à coucher se trouvait, dissimulé par d’épaisses portières un petit salon-boudoir sans jour visible.

Là, régnait un divan asiatique, tout autour de cette pièce isolée.

Pas de statues.

Pas de tableaux.

Un tapis en peau de renard bleu.

C’était tout.

Par une porte dissimulée dans la boiserie, on entrait dans une salle de bains, à colonnes de marine blanc, se détachant sur un lambris de marbre noir antique.

Des degrés menaient jusqu’au fond de la cuve enfoncée dans la terre.

Ce petit corps de logis, que la comtesse de Casa-Real s’était réservé pour elle seule, ne contenait pas d’autres pièces.

Dans son humeur fantasque et indépendante, notre jeune créole n’avait même pas voulu près d’elle une femme de chambre.

Des sonnettes, placées dans toutes les pièces et correspondant aux communs de l’hôtel, lui garantissaient un service rapide et un secours instantané en cas de besoin.

Du reste, la comtesse Hermosa était femme de résolution et d’adresse.

Elle maniait les armes à feu comme un chasseur des Pampas et se servait d’un couteau, lame et pointe, aussi adroitement qu’un toréador.

Dans son salon, dans sa chambre à coucher, dans son boudoir, appendus aux murs ou placés sur des tables, poignards turcs, malais, indiens ; pistolets et revolvers se trouvaient toujours à portée de sa main.

Ce corps de logis principal de l’hôtel Casa-Real donnait donc, par sa façade, sur la cour, ouverte allée des Veuves, et par ses côtés et ses derrières, sur un jardin féerique qui se perdait au loin et débouchait sur une ruelle au moyen d’une petite porte bâtarde.

Dans ce jardin, ressemblant à tous les jardins anglais, après avoir passé par un petit bois touffu, on arrivait à un lac.

À droite du lac, le sol s’abaissait et conduisait à un labyrinthe souterrain.

En suivant ce labyrinthe, qui tournait court et souvent, en traversant une chapelle gothique ornée de nervures, de feuillages, d’ogives, de bas-reliefs, restes d’architecture sarrasine, un escalier rustique se présentait.