Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/415

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pour la réussite duquel elle employait M. Jules et son administration fussent plus que graves pour lui faire supporter la présence, les interruptions et les rectifications de maître Charbonneau.

— D’une mission, soit. Avez-vous fait le nécessaire ?

— Oui, madame la comtesse, j’ai tout mis en œuvre.

— Et…

— Et j’ai fait le nécessaire, le possible et l’impossible.

— Quelle brute ! pensa la créole en écoutant sans même avoir envie d’en rire, le pathos important de l’agent de M. Jules.

— Alors vous avez réussi ? ajouta-t-elle.

— De point en point.

— Vous avez trouvé…

— L’homme que cherche madame la comtesse.

— Si cela est, fit celle-ci avec une joie qui éclata malgré tous ses efforts, si cela est, je vous récompenserai au delà de vos fatigues… Mais… voyons… quels sont vos renseignements ?

— Courts, exacts et précis, répondit Charbonneau avec un noble orgueil.

— Parlez ! parlez !

— Je ne le cacherai pas, ces démarches m’ont coûté bien des marches et des contre-marches.

— Oui… oui…

— Il n’est pas si facile qu’on le pense, quand on n’est pas de la partie, de trouver dans Paris…

— Un homme qui se cache ? fit impatiemment la créole.

— Eh ! non, madame la comtesse, un homme qui ne se cache pas le moins du monde, répliqua l’agent de police en souriant ironiquement et sans se gêner pour montrer la satisfaction que lui causait l’innocence de sa cliente.

— Comment ?

— Il n’y a que les imbéciles qui se sauvent dans un désert ou qui se fourrent au fond d’un puits ; les malins marchent au grand soleil et s’implantent au beau milieu de la foule, en pleines masses, en pleine vie active. Ceux-là ne trouvent pas souvent leurs maîtres.

— Enfin, quelque habile qu’ait été, que soit ce…

— Ce Passe-Partout, dit M. Charbonneau, voyant que la comtesse attendait ce nom pour achever sa phrase.

— Oui, ce Passe-Partout… quelque grande que soit son adresse, vous avez trouvé moyen de mettre la main sur lui ?

— Notre administration pouvait seule venir à bout d’une pareille tâche.

— Je le reconnais… Après ?

— Madame la comtesse ne pouvait espérer un prompt succès qu’en s’adressant à elle.

— Oui ! oui ! j’en conviens, faisait la créole, qui aurait ordonné de jeter M. Charbonneau à la porte, s’il ne lui avait pas paru si nécessaire à l’accomplissement de ses projets mystérieux.

— Mais, quel que soit le prix demandé par M. Jules ; quelle que soit la somme que tout cela coûte à madame la comtesse, continua de sa plus belle