Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/421

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sur le trône de France pour satisfaire les marchands de bric-à-brac ; quoique, d’accord avec les philosophes du siècle passé et avec les pédants historiques du siècle présent, ils refusent toute grandeur au règne du roi-soleil, et toute élégance au règne de Louis XV, son successeur, nous ne reculerons jamais, dans le cours de nos récits, devant une étude sérieuse de tous les débris du passé.

Cela dit, par acquit de conscience, nous fermerons notre parenthèse, en demandant pardon à nos lecteurs de cette courte digression, et nous retournerons à notre mouton.

Le mouton en question n’est autre que le sieur Coquillard-Charbonneau.

Sur l’ordre, et après le congé que lui avait donné la comtesse de Casa-Real, notre homme avait suivi la jeune camériste.

Ainsi qu’il est du devoir de tout agent de police intelligent, tout en se laissant guider par elle, il sondait du regard les murs et les cloisons, il cherchait à prendre et à marquer des points de repère.

Il eût beaucoup donné d’une inspiration qui, le cas échéant, lui aurait permis de se reconnaître comme le petit Poucet de la fable, et de dire : Je suis passé par là.

Mais, hélas ! vain espoir !

Toute sa bonne volonté, toute son attention se virent mises en déroute par la tactique naïve de la quarteronne.

Obéissant sans doute aux recommandations de sa maîtresse, Anita l’avait tant fait monter, descendre, tourner à droite, tourner à gauche, marcher droit devant lui, revenir sur ses pas, qu’à son grand regret et par suite de son excessive fatigue, il fut contraint à baisser pavillon.

La quarteronne, qui n’avait pu conserver son sang-froid, tant que Mme de Casa-Real agençait ses affaires elle-même pour son propre compte, venait de s’appliquer un masque impénétrable de simplicité et de candeur.

Charbonneau sentait vaguement qu’il ne devait pas se considérer comme étant le maître de la situation.

— Bigre ! murmura-t-il à part lui, tenons-nous bien… Jouons serré, si nous ne voulons pas recommencer l’impair de l’hôtel de Warrens. Je me trouve accroché à des gens très forts. Les malins ! Comme c’est agencé ! Ma parole sacrée, cette boutique-là est mieux machinée que le troisième dessous du Cirque-Olympique.

Le Cirque-Olympique était, parmi tous les théâtres qui ornaient et peuplaient le boulevard du Crime, le théâtre de prédilection de M. Charbonneau.

Il eût donné dix représentations du Tartufe ou des Femmes savantes pour Murat ou les Pilules du Diable.

Et il avait le courage de son opinion.

Il l’avouait franchement, à tout bout de champ.

Son aparté terminé, il pensa à nouer connaissance avec la soubrette exotique.

C’était une manière adroite de se créer des intelligences dans la maison.

Sachant par une longue expérience qu’on ne prend guère de mouches avec