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II

DE CHARYBDE EN SCYLLA

L’ex-petite maison devenue l’hôtel de la comtesse Hermosa de Casa-Real se ressentait encore de son ancienne et peu scrupuleuse origine.

Elle était double, ou plutôt triple.

Outre le petit corps de logis dont nous avons dépeint les festons et les astragales, malgré les préceptes du docte Boileau, il y avait à droite et à gauche de ce corps de logis deux pavillons parallèles, l’un destiné aux serviteurs de la comtesse, l’autre à ses chevaux.

À gauche, les communs.

À droite, les écuries.

Ces deux pavillons, qui, en apparence, n’étaient reliés en aucune façon à l’habitation de Mme de Casa-Real, y attenaient cependant par une profusion de corridors souterrains, de portes dérobées et de passages secrets.

Un étranger eût pu se promener tout à son aise du pavillon de droite au corps de logis principal, et de ce corps de logis au pavillon de gauche, sans se douter qu’il marchait sur des communications merveilleusement établies.

Ainsi, dans le jardin et sous le jardin, labyrinthes sur labyrinthes.

Impossible, pour peu que le caprice en passât par l’esprit de la maîtresse de ce séjour curieux, de se trouver, de se rencontrer, de se douter même qu’il y eût âme qui vive dans ce dédale regorgeant parfois d’invités et de serviteurs.

Quelques-uns de nos lecteurs s’étonneront de ce que, sans le moindre scrupule, en plein xixe siècle, au beau milieu de Paris, nous ne mettions sous les yeux que des demeures bâties en dehors de toutes les habitudes parisiennes, vieux restes d’un monde décrépit et tombé.

Nous nous contenterons des deux plus concluantes.

À cela, nous trouverions bien des réponses à faire.

La première :

Que, prenant pour héros de notre action principale des personnages en dehors des lois ordinaires de l’existence, il nous faut, sous peine de fausser toute couleur locale, leur donner un cadre à leur taille, digne de leurs allures excentriques.

La seconde :

Que, nos lecteurs connaissant tout aussi bien, sinon mieux que nous, les bâtisses, les maisons et les appartements d’aujourd’hui, il nous serait parfaitement inutile de leur détailler ces mêmes bâtisses et ces mêmes appartements.

À tout prendre, quoique nos jeunes vieillards qui composent le tout Paris des courses, des régates, des premières représentations, du sport, du turf et du théâtre, aient décidé dans leur profonde sagesse et dans leur sublime ignorance, que Charlemagne n’avait jamais existé, que Louis XIII était monté