Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/466

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— Cher ange, ces bijoux, réunis à tout ce que je possède, ne feraient pas la moitié de la somme due… et mon créancier veut tout.

— Alors… prends-les…vends-les.

— Non.

— Tu en auras besoin, insistait Louise. Nous, nous serons chez ma sœur ; il ne nous manquera rien.

— Pauvre amie ! ces diamants, derniers reflets d’un bonheur évanoui, d’un passé perdu pour toujours, ces diamants ne nous appartiennent pas.

— Grand Dieu ! fit la pauvre femme en laissant tomber les écrins…

— Tout ce que nous possédons est le gage de mon créancier. Il serait coupable d’en détourner la moindre partie.

Elle se résigna.

— Tu as raison, mon ami. Je t’obéirai… je quitterai la maison avec Claire… mais tu vas partir avant moi.

— Oui ! oui !… répondit Bergeret, en cherchant à calmer l’exaltation qui envahissait sa compagne.

— Nous, nous irons… où cela ?… au fait… où faut-il aller ?… Je ne sais plus bien, moi !

Mme Bergeret finissait à peine cette phrase, qu’on sonna violemment à la porte d’entrée.

Mme Bergeret fit un mouvement et se rapprocha de son mari.

— On a sonné ! murmura-t-elle d’une voix si basse qu’il ne l’entendit pas.

— On a sonné ! — Eux, déjà ! pensa le malheureux.

On entendit le bruit de la porte donnant sur le palier, qui se refermait.

La femme de chambre parut. Elle tenait la petite Claire par la main.

Elle était émue, elle balbutiait :

— Madame, il y a là des personnes qui demandent monsieur !…

M. Bergeret allait sortir.

Sa femme la retint.

— C’est bien… dit-elle à la domestique… laissez-nous… et priez ces personnes d’attendre quelques instants…

— Mais…

— Sortez !… Claire, reste ici.

La femme de chambre obéit. L’enfant resta.

Louise se précipita vers la porte du fond par laquelle sa femme de chambre venait de se retirer, et elle poussa le verrou.

La petite Claire regardait sans comprendre la grandeur de l’infortune qui s’appesantissait sur sa famille.

Cependant, elle ne perdit pas un détail de cette triste scène.

Tandis que sa mère poussait le verrou, elle courut à son père, immobile, et comme frappé de la foudre.

Les baisers de sa fille le tirèrent de son accablement.

Il vit ce qui occupait sa femme.

— Louise, que fais-tu là ? s’écria-t-il.

Elle lui répondit tout bas :

— N’as-tu pas entendu ?